Lionel Abelanski

Comédien

2024 : nommé pour le Molière du comédien dans un second rôle pour Un tramway nommé désir

Un tramway nommé Désir : la fantaisiste et le prolétaire

Les comédiens vaquent sur la scène du théâtre des Bouffes Parisiens. Un couple s’enlace, une autre bouquine allongée seule, sur un lit. L’assistance n’interrompt ses bavardages qu’au moment où une voix-off annonce une arrivée en gare et le début d’Un tramway nommé Désir. Blanche Dubois débarque chez sa soeur Stella dans un quartier pauvre de La Nouvelle-Orléans. Professeur de littérature anglaise, elle a perdu la plantation familiale de Belle Rêve, mais reste floue sur le sujet. Stanley Kowalski, le mari de Stella, n’apprécie guère l’installation envahissante de sa belle-soeur dans leur modeste appartement. Cet ouvrier d’origine polonaise se sent méprisé par la distinction affichée de cette grande dame et creuse le mystère qu’elle laisse planer autour de sa venue. Robe de mousseline, bandeau et nœud rose pâle dans les cheveux, cette poupée de porcelaine dispose d’une propension à irriter son entourage. Désireuse de plaire, elle joue la mijaurée ou la femme-enfant et entretient le mystère à propos de son âge. Elle s’invente des histoires qui rendent sa vie plus belle et surtout plus intéressante.

James Brandily opte pour la transparence à jardin, laissant apparaître un escalier métallique. Cette scénographie apparaît très esthétique pour concevoir le taudis que représente l’appartement des Kowalski, malgré le mobilier ramassé à cour. Cet écrin confère toutefois, une résonance contemporaine au huis clos de Tennessee Williams, crée en 1947 et immortalisé par l’adaptation cinématographique d’Elia Kazan en 1951. Traduit par Isabelle Famchon, A Streetcar Named Desire, revient ici moins sombre et sensuel. La mise en scène de Pauline Susini se concentre sur les névroses d’une Blanche, composée par Cristiana Reali, fougueusement instable. Schizophrène au passé nébuleux, elle oscille entre petite fille capricieuse et bourgeoise railleuse. En dépit de ses rêves de princesse, cette veuve outragée jette son dévolu sur Harold Mitchell dit « Mitch » (Lionel Abelanski), vieux garçon inconsistant vivant avec sa mère malade. Douce et avenante, Alysson Paradis campe Stella, qui perd peu à peu son sourire face à l’affrontement entre son mari et sa sœur, auxquels elle se soumet. Ces trois comédiens concourront aux Molières 2024 pour leurs prestations dans la pièce. Marie-Pierre Nouveau prête sa gouaille à Eunice Hubbell, la logeuse flanquée d’un mari à l’alcool mauvais. Nicolas Avinée manifeste la violence du prosaïque Stanley Kowalski par des hurlements. Ce « Polack » d’un niveau social inférieur à celui de la famille de son épouse est adepte de parties de poker avec Mitch, son ancien compagnon d’armes et collègue à l’usine, Steve Hubbell (Djibril Pavadé) et Pablo Gonzales (Simon Zampieri ou Tanguy Malaterre). Impatient de se débarrasser de son invitée encombrante qui monopolise notamment sa baignoire, il dénonce sa mythomanie. Il assène le coup de grâce plongeant Blanche dans la démence.

Un tramway nommé Désir est l’adaptation moderne d’un chef-d’oeuvre.

Un tramway nommé Désir au théâtre des Bouffes Parisiens (2e).
Du 31 janvier au 28 avril 2024.
Du mercredi au samedi à 20h et tous les dimanche à 15h30.

Molières 2024 : les nommés sont …

La liste des nominations pour de la 35ème Nuit des Molières a été annoncée ce mercredi 3 avril. La cérémonie présentée par Caroline Vigneaux, se déroulera le lundi 6 mai 2024 aux Folies Bergère, et sera retransmise sur France 2.

Molière du théâtre privé
4211 km
Le cercle des poètes disparus
Un chapeau de paille d’Italie
Denali

Molière du théâtre public
40° sous zéro
Allosaurus [même rue, même cabine]
Courgette
Welfare

Molière de la comédie
C’est pas facile d’être heureux quand on va mal
Ferme bien ta gueule
Mondial Placard
Vidéo Club

Molière de la création visuelle et sonore
40° sous zéro
Le cercle des poètes disparus
Denali
Neige

Molière du spectacle musical
Mamma Mia
Molière, le spectacle musical
L’opéra de quat’sous
Spamalot

Molière de l’humour
Elodie Poux dans Le syndrome du papillon
Fabrice Eboué dans Adieu Hier
Pablo Mira dans Passé simple
Sophia Aram dans Le monde d’après

Molière du jeune public
Les aventures de Pinocchio
Denver, le dernier dinosaure
Icare
Neige

Molière du seul.e en scène
Le consentement, avec Ludivine Sagnier
La douleur
, avec Dominique Blanc
Kessel, la liberté à tout prix
, avec Franck Desmedt
Va aimer !
, avec Eva Rami

Molière du comédien dans un spectacle de théâtre public
Charles Berling dans Après la répétition/persona
Laurent Lafitte dans Cyrano de Bergerac
Micha Lescot dans Richard II
Roschdy Zem dans Une journée particulière

Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre public
Emmanuelle Bercot dans Après la répétition/persona
Vanessa Cailhol dans Courgette
Laetitia Casta dans Une journée particulière
Marina Hands dans Le silence

Molière du comédien dans un spectacle de théâtre privé
Maxime d’Aboville dans Pauvre Bitos – Le dîner de têtes
Vincent Dedienne dans Un chapeau de paille d’Italie
Stéphane Freiss dans Le cercle des poètes disparus
Thierry Frémont dans Le repas des fauves

Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre privé
Pascale Arbillot dans Interruption
Ariane Ascaride dans Gisèle Halimi, une farouche liberté
Noémie Lvovsky dans Vidéo Club
Cristiana Reali dans Un tramway nommé Désir

Molière de la mise en scène dans un spectacle de théâtre public
Louis Arene pour 40° sous zéro
Christophe Rauck pour Richard II
Pamela Ravassard pour Courgette
Ivo van Hove pour Après la répétition/persona

Molière de la mise en scène dans un spectacle de théâtre privé
Aïla Navidi pour 4211 km
Olivier Solivérès pour Le cercle des poètes disparus
Alain Françon pour Un chapeau de paille d’Italie
Nicolas Le Bricquir pour Denali

Molière de la révélation féminine
Justine Bachelet dans Après la répétition/persona
Nassima Benchicou dans Freud et la femme de chambre
Lucie Brunet dans Denali
Lila Houel dans Daddy
Olivia Pavlou-Graham dans 4211 km
Cléo Sénia dans Music-Hall Colette

Molière de la révélation masculine
Audran Cattin dans Le cercle des poètes disparus
Martin Karmann dans Je m’appelle Asher Lev
Garlan Le Martelot dans Courgette
Ethan Oliel dans Le cercle des poètes disparus
Louis Peres dans Daddy
Hey Yuming dans Les Bonnes

Molière du comédien dans un second rôle
Lionel Abelanski dans Un tramway nommé Désir
Guillaume Bouchède dans Je m’appelle Asher Lev
Florian Choquart dans Courgette
Kevin Razy dans Passeport
Laurent Stocker dans Cyrano de Bergerac
Vincent Viotti dans Courgette

Molière de la comédienne dans un second rôle
Jeanne Arènes dans L’effet miroir
Cécile Garcia Fogel dans Richard II
Charlotte Matzneff dans Le huitième ciel
Alysson Paradis dans Un tramway nommé Désir
Lola Roskis dans Courgette
Josiane Stoléru dans James Brown mettait des bigoudis

Molière de l’auteur.trice francophone vivant.e
Léonore Confino pour L’effet miroir
Julie Deliquet pour Welfare
Jean-Christophe Dollé pour Allosaurus [Même rue, même cabine]
Rudy Milstein pour C’est pas facile d’être heureux quand on va mal
Aïla Navidi pour 4211 km
Yasmina Reza pour James Brown mettait des bigoudis

Parmi les 240 spectacles éligibles, 46 sont nommés dans au moins une des dix-neuf catégories.

(suite…)

La récompense : un lauréat dans la tourmente

© E.C.

La démarche et l’allure fatiguées, de Bertrand Blier recevant son César d’honneur en 1989 restent gravées dans les mémoires. Le célèbre acteur mourra quelques semaines plus tard. Certains prix saluent l’aboutissement d’une carrière, leurs lauréats peuvent s’éteindre dans l’année qui suit leur couronnement. Gérald Sibleyras s’appuie sur ce postulat dans La récompense au théâtre Édouard VII. Lorsque Martin se voit attribuer Le Grand Prix International d’Histoire, il panique. Ses prédécesseurs sont tous morts. L’historien attend l’accomplissement du funeste présage. Véronique, sa belle-soeur, le détourne, néanmoins, de cette obsession morbide. Avant de quitter Lucas, elle veut qu’il sache qu’elle l’a trompé avec Martin, le frère de ce dernier. Les trois protagonistes se retrouvent en plusieurs occasions dans le jardin du couple, reproduit simplement par Nicolas Sire.

L’idée fixe de Martin qui associe sa récompense à une condamnation à mort s’étiole rapidement, en dépit de l’indéniable talent comique de Daniel Russo. Le comédien fait un discours passionné pour la remise de prix. L’intrigue de la pièce bascule, tôt, dans un secret de famille, avec un enchainement de répliques assez attendu. Les rires peinent à venir malgré la belle distribution que dirige Bernard Murat. L’insaisissable Anne Jacquemin incarne Véronique, une épouse en quête de changement. Lionel Abelanski campe Lucas, son mari qui semble un peu veule au départ avant de s’illuminer en se découvrant une passion. La pétillante Alysson Paradis interprète, enfin, Fabienne, la jeune compagne de Marin, parfois lente à la compréhension mais toujours à la pointe en matière d’écologie. La pièce déconcerte par son texte tout en ravissant par la prestation des comédiens. « Que diable allaient-ils faire dans cette galère ? » questionnerait Géronte.

La récompense est une comédie à la double intrigue peu palpitante.

La récompense au théâtre Édouard VII (9e).
Depuis le 14 mars 2017.
Du mardi au samedi à 21h, les samedis à 18h et les dimanches à 15h30.

Pleins feux : rire et émotion des deux côtés du rideau

© E.C.

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Pleins feux sur les coulisses du théâtre à Hebertot, pour quatorze représentations exceptionnelles. Alice Margaux brûle les planches chaque soir depuis des décennies. Extravagante, elle joue à la ville comme à la scène et ne laisse que des miettes de son succès à Clément Pourquier, le directeur de théâtre, et Michel Labevil, son auteur presque attitré. Le trio enchaine les triomphes malgré une tête d’affiche plus âgée que les personnages qu’elle incarne. Puisque la vérité sort de la bouche des enfants, seul Jean, 13 ans, le filleul d’Alice la juge « beaucoup trop vieille » pour interpréter les rôles que lui écrit son père. Personne n’ose contredire la vedette : ni son metteur en scène et bienveillant ex-mari, ni le dramaturge dont elle n’hésite pas à réécrire les répliques, ni même Marie, l’épouse de ce dernier dont elle se plait à dénigrer le talent de comédienne. Après les représentations, tous gravitent autour d’elle comme dans une ruche. Chacun s’accommode de la situation. L’arrivée de Catherine fait, néanmoins, dissoner la symphonie.

Les spectateurs pénètrent par l’entrée des artistes dans une loge qui s’apparente tantôt à une cour de récréation tantôt à la succursale d’une réunion familiale. Cette pièce coquette reproduite sur un plateau mobile avance et recule tandis que la façade du théâtre s’abaisse et s’élève dans la belle scénographie de Nicolas Sire. Le mobilier cossu associé aux nombreux costumes de Jean-Daniel Vuillermoz transportent dans les années 50.

Le texte de Mary Orr, adapté par Didier Kaminka, recèle d’ingénieux traits d’esprits et de réflexions sur l’âge et le métier d’acteur. Il réussit l’hasardeuse équation entre des scènes extrêmement drôles et des séquences d’émotion, avec des personnages plus complexes qu’ils n’y paraissent de prime abord, piégés dans une routine complaisante. Après avoir tout sacrifié pour sa carrière, l’excessive diva n’a d’autre choix que de perdurer sous les feux de la rampe.

La mise en scène très tactile de Ladislas Chollat instaure une complicité prégnante entre les comédiens. Line Renaud renoue fougueusement avec Alice Margaux qu’elle incarna, déjà, en 1991. Deux charmantes chrysalides l’entourent aujourd’hui : Raphaëline Goupilleau, merveilleuse en épouse déconcertante de lucidité et l’angélique Fanny Cottençon, en habilleuse providentielle. Lionel Abelanski convainc en auteur plus imaginatif dans ses œuvres que dans sa vie. Pierre Santini s’impose avec grâce au dessus des chamailleries, en directeur de théâtre prévenant. Enfin, le jeune Yanis Richard se hisse à la hauteur de ses camarades de jeu. Pleins feux cumule tous les ingrédients d’une agréable soirée et elle l’est assurément. Les rires éclatent dans une atmosphère où l’amour vache dissimule une indéfectible affection.

Pleins feux est une comédie brillamment orchestrée.

Pleins feux au théâtre Hébertot (17e).
Du 23 janvier au 7 février 2017.
Du lundi au samedi à 20h30 et les dimanches à 15h.

Un dîner d’adieu : entre gris clair et gris foncé

© E.C.

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« J’veux pas y’aller à ce diner… » Une scène digne de la chanson de Bénabar amorce Un dîner d’adieu dirigé par Bernard Murat au théâtre Édouard VII. Pierre exècre ces soirées et rapporte à son épouse Clotilde, une idée de son ami Boris pour s’y soustraire : organiser des dîners d’adieu. Lors de ces ultimes repas, le convive choie ses hôtes qui ignorent vivre leur dernière rencontre. Clotilde et Pierre s’accordent sur le nom de leur première cible : Antoine Royer. A 48 ans et plus de 30 ans de psychanalyse derrière lui, ce dernier prépare une thèse sur un sujet aussi singulier que restreint. Sa compagne ne peut l’accompagner puisqu’elle se produit dans un happening de six heures.

Dès son entrée en scène, l’invité dénote avec le décor soigné et moderne du salon des Lecoeur. Le texte d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte apparaît comme un dérivé du dîner de cons de Francis Veber. Une heure a passé et la pièce semble toucher à sa fin laissant une désagréable impression. Débute alors un deuxième acte où l’intrigue bascule dans la comédie, avec beaucoup d’effusions de rires. Antoine découvre le pot aux roses et s’efforce de renouer les liens d’amitié qui l’unissent à son ami de collège, provocant des situations saugrenues entre les deux hommes.

Guillaume de Tonquédec et Lionel Abelanski forment un délicieux tandem. Le premier compose un égocentrique bavard au rire très irritant qui insupporte le second, un incurable velléitaire. Lysiane Meis complète joliment le trio, dans le rôle plus effacé de « Clote ».

Un dîner d’adieu est une pièce distrayante à la dichotomie contrariante.

Un dîner d’adieu au théâtre Édouard VII (9e).
Du 26 avril au 24 juin 2016.
Du mardi au samedi à 21h, les samedis à 17h30 et les dimanches à 15h30.