James Brown mettait des bigoudis : Céline by Jacob

A cinq ans, Jacob Hutner découvre Céline Dion. Au fur et à mesure, le fan s’arroge l’identité de son idole. Fini les imitations et les travestissements de fortune de l’enfance, il est désormais la chanteuse canadienne. Désemparés, les parents du jeune homme attendent beaucoup de son séjour en maison de repos dans James Brown mettait des bigoudis, au théâtre Marigny. Loin d’annihiler leur désarroi, la psychiatre désappointe Lionel et Pascaline Hutner. Elle leur apprend, tout de même, que leur fils s’est lié d’amitié avec Philippe, un homme blanc qui s’identifie comme noir. Soudé dans l’adversité, le couple s’applique à suivre les recommandations qui lui permettront de retrouver son fils.

De vastes portes coulissantes rétrécissent le plateau et lui confèrent la froideur de l’atmosphère intérieure de la maison de repos. L’immense scène se vide, tandis que se projettent des vidéos sur le fond, pour figurer le jardin, dans la scénographie d’Éric Soyer. La fumée envahie l’espace, occasionnant parfois l’épais brouillard dans lequel sont plongés les différents protagonistes. Les uns perdus dans les méandres des frasques des autres, qui eux mènent leur vie par procuration.

Yasmina Reza ouvre un nouveau chapitre de la vie de Jacob Hutner, personnage issu de son roman Heureux les heureux, paru en 2013. De sa plume singulière, elle questionne l’identité avec finesse, mélancolie, fantaisie et humour. Dans la folie ou la déraison de Jacob et Philippe règne la cohérence. Les échappatoires qu’ils empruntent ne souffrent d’aucune incertitude. La dramaturge orchestre l’enchainement de scènes, unifié par les intermèdes musicaux de Joachim Latarjet, au trombone ou à la guitare électrique.

L’élancé Micha Lescot se glisse parfaitement dans la peau de « Céline ». Empruntant un accent québécois justement dosé, il se focalise sur la préservation de ses cordes vocales. Il écrit et compose des chansons et prépare sa grande tournée en Amérique latine. S’il les appellent par leurs prénoms, il accueille ses parents avec affection. De même, malgré leurs échanges surréalistes, un attachement sincère le lie à Philippe, délectablement interprété par Alexandre Steiger. N’ayant pas de but aussi grand que son amie dans la vie, cet incompris voue une obsession à son « sycorus », un arbre originaire du bayou. L’irrésistible tandem déborde autant de légèreté et d’insouciance dans le présent que de gravité quant à l’avenir. A mi chemin entre l’absurde et le tangible, Christèle Tual campe la psy complètement allumée. Bienveillante mais ancrée dans la réalité, Pascaline (Josiane Stoléru) sermonne gentiment « amour », son ronchon de mari dont elle loue la solidité. Elle lui apprend également que : « James Brown mettait des bigoudis », pour tenter de l’apaiser et justifier les actes de leur fils. Impayable dans ses démonstrations d’une excessive jovialité, André Marcon incarne Lionel, un père qui révèle ses failles. Ses efforts se heurtent toujours au comportement de « Pitounet », comme il le surnomme affectueusement. Son irritation atteint malheureusement son paroxysme avec un hula hoop. Ces cinq talentueux comédiens se retrouvent sur les planches du théâtre Marigny, à l’occasion de la reprise de la pièce créée le 19 septembre 2023 au théâtre de la Colline.

James Brown mettait des bigoudis est une comédie savamment loufoque.

James Brown mettait des bigoudis au théâtre Marigny (8e).
Du 28 mars au 7 avril 2024.
Du mercredi au samedi à 20h et les dimanches à 15h.

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