Laurent Béal

Créateur de lumières

2001 : nommé pour le Molière du créateur de lumières pour Trois Versions de la vie
2002 : nommé pour le Molière du créateur de lumières pour Elvire
2003 : nommé pour le Molière du créateur de lumière pour Un vrai bonheur
2004 : nommé pour le Molière du créateur de lumières pour L’amour est enfant de salaud
2005 : nommé pour le Molière du créateur de lumières pour Amadeus
2006 : nommé pour le Molière du créateur de lumières pour La Sainte Catherine
2007 : nommé pour le Molière du créateur de lumières pour Marie Stuart
2010 : nommé pour le Molière du créateur de lumières pour Colombe
2015 : nommé pour le Molière de la création visuelle pour Le Système (avec Jean-Daniel Vuillermoz)
2017 : nommé pour le Molière de la création visuelle pour La Garçonnière (avec Brigitte Faur-Perdigou et Édouard Laug)

Berlin Berlin : la folle histoire d’Emma et Ludwig

Berlin-Est, Emma échafaude un plan audacieux pour passer à l’Ouest. Elle embringue son fiancé Ludwig, qui s’élance bon gré mal gré dans le but d’épouser sa belle de l’autre côté du mur. Leur traversée Berlin Berlin se révélera semée d’embuches, au théâtre Fontaine. Engagée comme aide-soignante d’une vieille dame dont l’appartement dispose d’un passage secret, Emma découvre que le fils de l’occupante des lieux, Werner Hofmann, travaille à la Stasi. Bientôt, l’infirmier Hans (Loïc Legendre), une affaire d’espionnage et un éminent violoniste (Claude Guyonnet) compromettront leur projet. De nombreux dilemmes se présenteront aux tourtereaux, avec souvent la mort pour option.

Redoutablement doué pour les comédies, Patrick Haudecœur cosigne avec Gérald Sibleyras une pièce, encore une fois, hilarante. Au fil des scènes, l’intensité comique s’accroit. Les situations deviennent de plus en plus inextricables, les péripéties cocasses et s’ajoutent des personnages toujours plus loufoques. A la Stasi, un général dépressif à l’accent chantant (Guilhem Pellegrin) côtoie un agent malchanceux (Gino Lazzerini) sur lequel le sort semble s’acharner. José Paul dirige cette joyeuse bande dans leur périlleuse aventure en terrain hostile. Dans le salon avec vue imprenable sur le mur, l’occupation soviétique s’affiche fièrement jusqu’au motif faucille et marteau de la tapisserie. Édouard Laug mise ensuite sur un style gris épuré pour des bureaux tout aussi inhospitaliers.

Anne Charrier charme par l’optimisme et la témérité d’Emma. Elle forme un adorable couple avec Patrick Haudecœur, qui campe un Ludwig à la hardiesse toute relative. Impayable en fils d’une douce mère criarde, Maxime d’Aboville compose un Werner, envouté par Emma et bridé par Birgit (Marie Lanchas), colonel à poigne. Aux hommes, la couardise, les femmes, elles, directives, sont dotées de courage. Tous ces protagonistes farfelus, se révèlent parfois complètement à l’ouest pour le plus grand plaisir du public.

Berlin Berlin est une irrésistible épopée.

Berlin Berlin au théâtre Fontaine (9e).
Du 27 janvier au 31 mai 2022.
Du mardi au samedi à 21h, les samedis à 16h30 et les dimanches à 16h.

Chers Parents : pour l’amour de la discorde

Jeanne et Vincent Gauthier convoquent leurs enfants. Ils ont une importante nouvelle à leur annoncer. Pierre, Jules et Louise accourent et émettent les hypothèses les plus fatalistes jusqu’à l’entrée en scène de leurs Chers Parents à la salle Réjane. Il sera question d’argent et le « nerf de la guerre » mettra le feu aux poudres dans cette famille paisible si bien que ses membres en viendraient à regretter les sombres desseins initiaux. L’heureux ménage parental semble avoir sous-évalué la personnalité de leur progéniture à moins qu’il n’ait sur-estimé la génétique et leur éducation. Élevés dans des valeurs communes par ce couple de retraités de l’éducation nationale, chaque enfant a des principes, des philosophies de vie, mais elles différent. Au sein de la fratrie, chacun tient son rôle, celui qu’il s’est attribué ou l’étiquette que les autres lui ont collé. Il y a le capitaliste, le marginal et l’éternelle étudiante.

Quoi de mieux qu’un frère et une sœur pour cosigner cette comédie ? Armelle et Emmanuel Patron manient avec autant de dextérité les mièvres expressions des sentiments que les sentences blessantes des vérités assénées comme des coups de poignard. Ils malmènent l’harmonie familiale, tissent ce lien inné et le détricotent. La palette de personnages invite les spectateurs à l’identification et à la réflexion, questionnant l’excès, la raison ou la démesure des réactions de chacun. La tendresse persiste sublimée par la mise en scène d’Armelle Patron et Anne Dupagne dans le classique salon conçu par Edouard Laug.

Emmanuel Patron prête aisément ses traits à Pierre, le seul enfant déjà établi dans la vie. « Jusqu’à un certain moment, tu peux avoir des convictions politiques, après c’est un manque de discernement », professe notamment l’ainé. Son cadet Jules vivote comme critique littéraire, savoureusement incarné par Rudy Milstein, irritant de nonchalance. Ces deux grands garçons choient et taquinent la frêle Elise Diamant qui campe Louise, la benjamine suivant de brillantes et interminables études. Attachants et ébahis, Frédérique Tirmont et Bernard Alane séduisent en Jeanne et Vincent. Ces parents aimants s’attendrissent facilement, les requêtes de leurs enfants ébranlant leur indéfectible droiture. Au-delà des apparences et des effusions des retrouvailles, chacun dévoile sa part d’ombre. Nonobstant qu’ils soient désormais adultes, le rapport à l’argent métamorphose ces adorables bambins en rapaces sales gosses résolus à ne pas « faire contre mauvais fortune, bon cœur. »

Chers Parents est une comédie cinglante et réjouissante.

Chers Parents à la salle Réjane (9e).
Du 12 novembre 2021 au 27 février 2022.
Du mardi au samedi à 20h30, les samedis à 17h et les dimanches à 15h30.

Maman : une douce mélodie

Sur le trottoir, devant la vitrine de sa boutique de vêtements de grossesse, elle attend le taxi qui la ramènera chez elle. Emmitouflée dans un manteau de fourrure, elle patiente dans Maman sur la scène du théâtre Édouard VII. Un jeune homme la dépasse, revient et l’interroge : « C’est combien ? » Cette gênante question pour les deux protagonistes établit les fondements du fruit d’une rencontre impromptue. Elle est engageante, lui peu loquace. Elle semble heureuse, lui perdu. Elle paraît ne pas lui en tenir rigueur, lui s’en veut de sa méprise. Le taxi interrompt ces premiers échanges. De retour chez elle, Jeanne rapporte sa mésaventure à son mari et lui suggère une idée folle. Cette femme ordinaire pourvue d’un brin de fantaisie et de largesse d’esprit nécessaires pour rompre la routine, dévoile sa fêlure. Meurtrie dans sa chair un soir comme celui-ci, les blessures de l’âme s’apprêtent à cicatriser grâce à sa rencontre fortuite avec un jeune homme.

Une mélodieuse mélancolie résonne lors des passages de la devanture, sublimée par une chaleureuse décoration de noël, à la demeure peu chargée en mobilier d’Emmanuelle Roy. Samuel Benchetrit signe une pièce émouvante empreinte de simplicité, de sincérité, d’absurde et d’humour. Il offre à Vanessa Paradis des débuts prometteurs sur les planches. Sa frêle silhouette devient celle de Jeanne, une mère au désœuvrement dissimulé par son naturel. Elle forme un couple attachant avec Bernard, bonhomme résigné et conciliant campé par Éric Elmosnino. Félix Moati incarne la désinvolture d’un jeu homme esseulé. Gabor Rassov complète la distribution, en promeneur nocturne. Ces personnages malheureux s’avèrent prêts à s’unir et à saisir les opportunités d’un instant de joie ou d’un avenir plus doux.

Maman est une pièce dans laquelle s’accordent tendresse et rires.

Maman au théâtre Édouard VII (9e).
Du 14 septembre 2021 au 16 janvier 2022.
Du mardi au samedi à 21h, les samedis à 16h30 et les dimanches à 16h.

Un chalet à Gstaad : luxe et divertissement

Petite soirée entre exilés fiscaux dans Un chalet à Gstaad, au théâtre des Nouveautés. Les parvenus Lombard reçoivent les héritiers Lagarde. La grande fortune de Françoise et Jean-Jacques provient des inventions de Monsieur tandis que celle de l’industriel Grégoire repose sur le patrimoine de Madame : l’aristocrate Alicia qui s’est entichée d’un coach spirituel. Les convives suivent les préceptes de cet importun qui les accompagne et complique d’abord l’élaboration du menu puis le dîner tout entier en annonçant que leur argent est menacé. La domesticité s’intercale dans l’opulente atmosphère de la réception, avec l’apparition de la cuisine conçue par Stéfanie Jarre aussi étriquée et pratique que le salon s’avère vaste et fastueux. Le cliquant reste de rigueur pour les costumes de Fabienne Katan. Smoking pour les hommes et robes de soirée pour les femmes.

Josiane Balasko signe et met en scène cette comédie terriblement efficace. Maître ès exubérance, elle ne lésine sur aucun excès pour provoquer l’hilarité. Lorsque les rires ne fusent pas, les sourires persistent lorsqu’elle dégaine de faciles jeux de mots. Sur scène, elle prête sa gouaille à Françoise, collectionneuse de diamants qui brille de mille feux. Dotée d’une parure d’émeraudes moins scintillante Armelle mise sur l’expansivité des effets capillaires et compose délicieusement l’écervelée Alicia. Ces apparats n’ombragent pas ces Messieurs qui excellent dans les rôles de Jean-Jacques (Stéphan Wojtowicz), magnat des affaires inspiré et Grégoire (Philippe Uchan), moins en veine. Entre l’évènement et ses coulisses, Georges Aguilar séduit en gourou qui sait apporter ce qu’il manque à ceux qui peuvent tout s’offrir. Il s’acoquine avec la charmante Leslie (Justine Le Pottier), employée persécutée par la maitresse de maison, qui s’épanche grâce à son kit mains-libres. Désopilante à bien des égards, la pièce attire par sa tête d’affiche et réjouit pour son ensemble.

Un chalet à Gstaad est une comédie riche en gaieté et en démesure.

Un chalet à Gstaad au théâtre des Nouveautés (9e).
Depuis le 9 septembre 2021.
Du mardi au samedi à 21h, les samedis à 16h30 et les dimanches à 16h.

Un amour de jeunesse : d’enivrantes impostures

© E.C.

Un amour de jeunesse réapparait sur la scène du théâtre de la Renaissance. A vingt ans, Antoine a épousé Maryse dans un ashram. Elle l’a subitement quitté pour une mission humanitaire en Afrique. Trente ans plus tard, il a fait fortune dans l’internet et partage sa vie avec Diane, romancière de son état. L’annonce du retour de Maryse affole l’ancien étudiant rêveur. Elle revient pour divorcer et peut prétendre à rafler la moitié de son patrimoine. Paniqué à cette idée, Antoine entreprend, avec la complicité de son avocat de faire croire à sa future ex-femme qu’il vit comme un nécessiteux.

Ivan Calbérac signe et met en scène une comédie savoureuse sur l’argent et les idéaux de jeunesse. L’amour, lui, se dévoile en filigrane. La caricature extrême assumée par ces attachants personnages tous empreints d’une certaine candeur, réjouit. Ce gros mensonge grise les complices autant qu’il embrume leurs esprits de l’amertume des désillusions passées.

Une page se tourne dans la scénographie d’Édouard Laug lorsque le mur coté cour pivote déplaçant l’action d’un luxueux appartement à un studio de Sarcelles. Entre leçons de mauvaises manières et relooking improbable, Antoine et Diane se vautrent allégrement dans l’excès sans une once de vulgarité. Ce « nouveau riche », florissant patron du CAC 40 épargne sa fortune par peur de manquer tandis qu’elle, aristocrate sans le sou, la dilapide sans vergogne. Stéphane de Groodt régale dans l’enlisement de sa parodie de miséreux. La fantasque Isabelle Gélinas qui déambule d’abord dans l’appartement comme sur le podium d’un défilé de mode l’épaule bon gré mal gré. Coiffée de dreadlocks, Olivia Côte est parfaite en baba-cool extérieure à la farce. Le désopilant Sébastien Pierre incarne un avocat guindé se délectant de composer un magistrat banlieusard. Enfin, l’espiègle Nelly Clara campe une domestique peu docile tirant son épingle du jeu. Ces cinq comédiens offrent une plaisante et joyeuse combinaison ente utopisme et capitalisme.

Un amour de jeunesse est une comédie réjouissante.

Un amour de jeunesse au théâtre de la Renaissance (10e).
Depuis le 28 janvier 2010.
Du mardi au samedi à 21h et les samedis à 16h30.