Frédérique Tirmont

Comédienne

1999 : nommée pour le Molière de la comédienne dans un second rôle pour Le Bel Air de Londres
2007 : nommée pour le Molière de la comédienne dans un second rôle pour Dolorès Claiborne

Chers Parents : pour l’amour de la discorde

Jeanne et Vincent Gauthier convoquent leurs enfants. Ils ont une importante nouvelle à leur annoncer. Pierre, Jules et Louise accourent et émettent les hypothèses les plus fatalistes jusqu’à l’entrée en scène de leurs Chers Parents à la salle Réjane. Il sera question d’argent et le « nerf de la guerre » mettra le feu aux poudres dans cette famille paisible si bien que ses membres en viendraient à regretter les sombres desseins initiaux. L’heureux ménage parental semble avoir sous-évalué la personnalité de leur progéniture à moins qu’il n’ait sur-estimé la génétique et leur éducation. Élevés dans des valeurs communes par ce couple de retraités de l’éducation nationale, chaque enfant a des principes, des philosophies de vie, mais elles différent. Au sein de la fratrie, chacun tient son rôle, celui qu’il s’est attribué ou l’étiquette que les autres lui ont collé. Il y a le capitaliste, le marginal et l’éternelle étudiante.

Quoi de mieux qu’un frère et une sœur pour cosigner cette comédie ? Armelle et Emmanuel Patron manient avec autant de dextérité les mièvres expressions des sentiments que les sentences blessantes des vérités assénées comme des coups de poignard. Ils malmènent l’harmonie familiale, tissent ce lien inné et le détricotent. La palette de personnages invite les spectateurs à l’identification et à la réflexion, questionnant l’excès, la raison ou la démesure des réactions de chacun. La tendresse persiste sublimée par la mise en scène d’Armelle Patron et Anne Dupagne dans le classique salon conçu par Edouard Laug.

Emmanuel Patron prête aisément ses traits à Pierre, le seul enfant déjà établi dans la vie. « Jusqu’à un certain moment, tu peux avoir des convictions politiques, après c’est un manque de discernement », professe notamment l’ainé. Son cadet Jules vivote comme critique littéraire, savoureusement incarné par Rudy Milstein, irritant de nonchalance. Ces deux grands garçons choient et taquinent la frêle Elise Diamant qui campe Louise, la benjamine suivant de brillantes et interminables études. Attachants et ébahis, Frédérique Tirmont et Bernard Alane séduisent en Jeanne et Vincent. Ces parents aimants s’attendrissent facilement, les requêtes de leurs enfants ébranlant leur indéfectible droiture. Au-delà des apparences et des effusions des retrouvailles, chacun dévoile sa part d’ombre. Nonobstant qu’ils soient désormais adultes, le rapport à l’argent métamorphose ces adorables bambins en rapaces sales gosses résolus à ne pas « faire contre mauvais fortune, bon cœur. »

Chers Parents est une comédie cinglante et réjouissante.

Chers Parents à la salle Réjane (9e).
Du 12 novembre 2021 au 27 février 2022.
Du mardi au samedi à 20h30, les samedis à 17h et les dimanches à 15h30.

12 millimètres : un chef tourmenté

© E.C.

12 millimètres, un titre énigmatique qui évoque le calibre d’une arme pour un seul en scène dans l’univers de l’art culinaire, au théâtre de l’Oeuvre. Dans les pas d’un illustre père, Jean-Jacques Detoque s’active derrière les fourneaux. Le talent de feu le grand chef, hante l’héritier qui vit la gastronomie comme un amuseur public dans un poste de télévision. L’écran devient ainsi l’élément central de la scénographie. Des projections se succèdent: des flashbacks, les coulisses de l’émission, un reportage et même l’ajout d’un personnage qui interviewe Jean-Jacques Detoque. Cette entrevue en différée marque l’audace de la mise en scène de Julien Boisselier. Cette configuration moderne établit une distance entre les deux protagonistes et gomme la saveur d’une rencontre, le plaisir des échanges avec Frédérique Tirmont, en journaliste très en forme, qui se renouvelleraient chaque soir sur scène. La voix-off de Sara Giraudeau semble, elle, moins lointaine dans le rôle d’Esther, l’assistante aux répliques franches et concises.

Mélissa Drigeard et Vincent Juillet signent une pièce cinglante sur le milieu de la télévision et empreinte d’une profonde tristesse. L’entrée en matière étonne par son style stand-up. Quelques répliques à l’attention du public provoquent une certaines gêne, l’assemblée demeurant muette à ces interpellations. Le chef s’apprête à animer une grande émission, le jubilée de ses 25 ans de carrière et entame une introspection. Ses propos paraissent décousus. De morbides obsessions l’assaillent. Il se remémore ses rêves d’enfant et oublie des informations. Amer en raison de la carrière qu’il a embrassé sans véritablement la choisir, il se déprécie. Émouvant, Julien Boisselier brille dans ce rôle d’homme torturé et mène cette troublante réflexion qui fait écho au parcours de Bernard Loiseau.

12 millimètres est une pièce moderne et déconcertante.

12 millimètres au théâtre de l’Oeuvre (9e).
Su 1er juin au 29 juillet 2017.
Du jeudi au samedi à 20h30 et les samedis à 17h.