La Joconde parle enfin sous la plume de Laurent Ruquier, au théâtre de l’Oeuvre. Véritable coup de maître, ce seul en scène captive les spectateurs plus d’une heure durant, avec l’histoire de Monna Lisa. Figée derrière un cadre et une vitrine, la magnétique Karina Marimon prend la pose et commence à s’adresser au public jusqu’à ce que Rodolphe Sand, à la mise en scène, la fasse sortir de l’encadrement. Il profite ensuite astucieusement de l’énergie retrouvée pour poursuivre la palpitante épopée.
Chef-d’oeuvre de renommée internationale, cette peinture à l’huile sur panneau de bois de peuplier de 77 × 53 fascine et soulève de nombreuses hypothèses. Agée de 24 ans depuis plus de cinq siècles, Lisa di Antonio Maria Gherardini vit à l’intérieur de son portrait. La finalisation de l’oeuvre commandée par son époux tarde en raison du perfectionnisme de Leonard de Vinci. Acquise par François Ier, puis passée de mains en mains avant d’être exposée au musée du Louvre, elle entend à longueur de journée, les commentaires ineptes ou ignares de ses furtifs admirateurs. Elle a aussi côtoyé les plus grands comme les Carter, Beyoncé et Jay-Z.
Laurent Ruquier réussit un pari aussi original qu’audacieux : donner la parole à celle qui fait tant parler. Mêlant recherches historiques, humour, références picturales et culture contemporaine, iI offre surtout un rôle sur mesure à la solaire Karina Marimon. Habitée, la comédienne ranime la Joconde, dément les rumeurs, ironise sur ses détracteurs, fustige les lanceuses de soupe ou se félicite d’avoir fait souffler un vent de sécurité après son enlèvement en 1911. Elle révèle également sa sublime voix en reprenant La Joconde de Barbara ou Une femme avec toi de Nicole Croisille. A l’instar d’une magicienne, elle est rejointe par un charmant assistant. Lors de leurs rares et impayables interactions, elle taquine ce jeune homme distrait, lent ou prude. Il déplace un encadrement et une caisse de transport. L’art prédomine dans la scénographie de Lucie Joliot, entre ces éléments multifonctionnels et la toile de fond de la célèbre œuvre. La Joconde n’y dévoilant que son buste, Fleur Demery axe ses costumes sur l’humour, avec de multiples couches et la coquetterie de l’époque. La reproduction paraît ainsi plus vrai que nature et à dimension humaine. Désormais condamnée à l’immobilité en raison de sa fragilité, la toile de Leonard de Vinci demeure une source d’inspiration inépuisable.
La Joconde parle enfin est un seul en scène bluffant.
La Joconde parle enfin au théâtre de l’Oeuvre (9e).
Depuis le 15 février 2024.
Du jeudi au samedi à 19h, les samedis à 16h et les dimanches à 17h.