Vincent Leterme

Compositeur

2012 : lauréat du prix du meilleur compositeur de musique de scène du Syndicat de la critique pour Peer Gynt

La vie de Galilée : élégance et sobriété pour un drôle de destin

© E.C.

Le lustre qui orne le plafond en coupole de la salle Richelieu éblouit toujours les néophytes. Dans La vie de Galilée, il s’impose comme un élément majeur du décor lorsque le public pose avec les comédiens, son œil derrière la lunette astronomique conçue par le héros. Au XVIIe siècle, l’astronome et physicien italien enseigne les mathématiques à l’université de Padoue. Lorsque Ludovico Marsili (Birane Ba ou Julien Frison), son nouvel et riche élève, lui apprend l’invention en Hollande d’une lunette d’approche, il se l’approprie. Sa découverte le conduit à la cour de Florence. Il espère défendre la théorie héliocentrique de Copernic devant Côme de Médicis (Véronique Vella). L’inquisition juge cette thèse dangereuse. Galilée se rétracte sous la menace et finit ses jours prisonnier d’un moine (Gilles David) et surveillé par sa fille. Presque aveugle, il parvient toutefois à écrire les Discorsi qu’il confie à Andrea Sarti lors de sa visite.

Près de trente ans après son entrée au répertoire dans la mise en scène d’Antoine Vitez, c’est au tour d’un autre administrateur général de monter la biographie théâtrale de Bertolt Brecht. La pièce écrite lors de l’exil de l’auteur au Danemark après avoir fui le régime nazi illustre savamment la lutte de la science contre l’obscurantisme. Eric Ruf s’empare avec sobriété de ce combat aux résonances contemporaines dans un colossal écrin artistique qu’il a lui-même imaginé. Une juxtaposition de toiles de grands maitres de la peinture tapisse le fond de scène. Les costumes baroques griffés Christian Lacroix soulignent le faste clérical avec une pointe de fantaisie.

La tête dans les étoiles, Hervé Pierre rend attachant ce savant anti-conformiste qui semble voué au bûcher, tout aussi sympathique lorsqu’il s’évertue à délurer et à peaufiner l’instruction d’Andrea, le fils de sa gouvernante, que lorsqu’il le plante par appât du gain. Jean Chevalier boit ses paroles dans la peau du premier de ses disciples tandis qu’il forme la parfaite complémentarité du spirituel et du matériel avec Madame Sarti, la mère du jeune homme. Florence Viala ne manque pas de mordant pour préserver son patron des conséquences de propager ses célestes thèses. Virginia (Élise Lhomeau) partage cette inquiétude pour le sort du physicien et déploie toute la tendresse d’une fille pour un père peu attentif. Une pléiade de comédiens complète agréablement la distribution.

La vie de Galilée est une biographie théâtrale finement ciselée.

La vie de Galilée à la Comédie-Française (1er).
Du 7 juin au 21 juillet 2019.

L’hôtel du libre-échange : enfin au Français !

© E.C.

Une célèbre comédie de Georges Feydeau fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française. L’hôtel du libre-échange promet sécurité et discrétion aux aventures adultères. Angélique s’offusque à la lecture d’un prospectus promouvant les qualités de l’établissement de basse réputation. Pinglet, son époux, choisit ce lieu pour son escapade nocturne avec Marcelle, la femme de son ami et associé Paillardin. La publicité séduit également Victoire, la femme de chambre de Pinglet qui désire y initier à l’amour Maxime, le neveu de Paillardin. Mathieu et ses quatre filles y séjournent également, en attendant de trouver un meilleur gîte dans la capitale.

Habitué à concevoir des costumes pour la maison de Molière, Christian Lacroix y crée, cette fois, outre de superbes tenues, ses premiers décors de théâtre simples et ravissants. Le bureau de Pinglet s’articule autour d’un plateau posé sur des tréteaux dans un style épuré et élégant. Le grand couturier scinde ensuite astucieusement la scène en trois espaces afin de créer deux chambres et le couloir de l’hôtel.

Isabelle Nanty signe la mise en scène, plutôt classique, de ce vaudeville plein de quiproquos. Pour sa première mise en scène au français, elle dirige une distribution de belle envergure. Michel Vuillermoz campe un Pinglet marié de longue date à l’acariâtre Angélique (Anne Kessler), mais épris de Marcelle Paillardin (Florence Viala), craintive rêveuse excédée par le manque d’intérêt de son routinier de mari (Jérôme Pouly). Comme à l’accoutumé, Christian Hecq endosse le rôle du pitre. Il s’agit ici du provincial Mathieu flanqué de son bouillonnant essaim de jeunes filles. Laurent Lafitte compose, lui, le ténébreux tenancier Bastien qui chante les louanges de son hôtel borgne derrière un rideau lumineux. Boulot (Bakary Sangaré), son acolyte se montre plus consciencieux et moins téméraire dans l’accomplissement de son travail. Enfin, Pauline Clément et Julien Frison se révèlent impayables : elle en femme de chambre effrontée et malicieuse, et lui en jeune garçon studieux. Sous la houlette d’Isabelle Nanty, la troupe s’approprie joyeusement cette pièce si connue et pourtant encore inédite au sein de l’institution.

L’hôtel du libre-échange est une vaudeville à la mécanique bien huilée.

L’hôtel du libre-échange à la Comédie-Française (1er).
Du 20 mai au 25 juillet 2017.