David Belugou

Costumier

2011 : nommé pour le Molière du créateur de costumes pour Nono
2016 : nommé pour le Molière de la création visuelle pour Fleur de cactus (avec Joël Fabing et Bernard Fau)
2019 : nommé pour le Molière de la création visuelle pour Fric-Frac (avec Citronelle Dufay, Joël Fabing et Bernard Fau)

Pauvre Bitos : le cruel stratagème

« Pauvre Bitos », pourrait s’indigner tout un chacun au théâtre Hébertot, témoin du guet-apens dans lequel tombe ce parvenu. Dans une petite ville de province, Maxime organise un « dîner de têtes ». Il réuni un groupe d’amis de la bonne société autour d’un invité d’honneur : André Bitos, fils du peuple devenu magistrat incorruptible et vertueux. Il sera Robespierre, le seul en costume d’époque. Chacun des convives, en smoking ou robe de soirée, se fait la tête d’un personnage de la Révolution française. Visages poudrés et coiffés de perruques, ils reproduisent ces têtes tranchées par la guillotine, hormis Mirabeau, dont l’interprète Vulturne (Francis Lombrail) relève son maquillage reproduisant les stigmates de la petite vérole. Tous fusionnent avec leurs personnages et croisent les mots comme d’autres croisent le fer. Julien / Danton (Etienne Ménard), le plus vigoureux d’entre eux, s’acharne contre Bitos qui tente d’attendrir la tablée avec ses souvenirs d’enfance.

Créée en 1956, la pièce fit scandale. Reprise en 1967, elle ne fut pas jouée depuis. Fruit de la collaboration de Jean Anouilh avec son épouse Nicole, Pauvre Bitos établit un parallèle entre la Révolution et la Libération, et surtout entre la Terreur et l’épuration qui en découlent. Thierry Harcourt signe ici, la mise en scène d’un texte désépaissi, retranché de quelques personnages, dans la scénographie épurée et raffinée de Jean-Michel Adam.

Dès son entrée en scène, André Bitos / Robespierre s’impose comme souffre-douleur. Magistral, Maxime d’Aboville endosse la dualité de cet homme aussi pitoyable qu’irritant. Ni du peuple, ni de la haute société, ce revanchard mû par un besoin de propreté, brosse nerveusement ses vêtements. Le fabuleux Adrien Melin campe Maxime / Saint-Just, le vice se dressant face à la vertu. Il attise les braises afin de mieux jouir de l’humiliation de « ce petit boursier cafard » auquel il voue une haine vivace. Le gracieux Adel Djemai manie courtoisie et éloquence en Deschamps / Camille Desmoulins, ancien camarade de Bitos à la communale devenu instituteur. Il demeure plus bienséant que ses comparses dans ses remontrances. Bourgeoise dans tout sa splendeur, Clara Huet compose en alternance avec Adina Cartianu, Lila / Marie-Antoinette, intrigante et salonnière contemporaine. Sybille Montagne incarne Victoire / Lucile Desmoulins, la bonté faite femme. Des similitudes entre les personnages et leurs « têtes » émergent peu à peu. Honni pour ses idées et pour sa classe sociale, Bitos subit et se soumet à cette cruelle vindicte au cœur des heures sombres de l’Histoire.

Pauvre Bitos est une comédie grinçante magnifiée par une talentueuse distribution.

Pauvre Bitos au théâtre Hébertot (17e).
Depuis le 9 février 2024.
Du mercredi au samedi à 19h et les dimanches à 17h30.

Fric-Frac : un casse griffé Michel Fau

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Michel Fau entraine le public dans le Paname des années 1930 au théâtre de Paris. Le metteur en scène exhume la pièce Fric-Frac d’Edouard Bourdet, immortalisée à l’écran par Maurice Lehmann, avec Arletty, Fernandel et Michel Simon. Marcel, employé de bijouterie, tombe sous le charme de l’aguichante Loulou. Cette dernière manque d’argent en raison du séjour en prison de Tintin, son homme. Elle se laisse séduire sous le regard éberlué de Jo, délinquant à la petite semaine et celui jaloux de Renée, la fille du bijoutier. Pour se renflouer, Loulou prévoit d’organiser un Fric-Frac avec l’ignorante complicité de Marcel.

Les décors biscornus et colorés de Bernard Fau et Citronelle Dufay dessinent le cadre d’un conte enfantin déjanté. Les costumes de David Belugou tout autant empreints d’une vive fantaisie confèrent aux comédiens des allures de personnages de bande dessinée lorsqu’ils évoluent dans un paysage champêtre, la bijouterie, un bar ou un appartement.

L’intrigue piétine. Le décodage de l’argot des faubourgs tient, toutefois, en haleine, entre les expressions connues, celles qui se devinent et celles qui se découvrent à l’instar de « sécotine » employé pour qualifier une femme collante. Michel Fau enjolive cette histoire avec sa patte décalée. Outre l’univers fantasque propre à ses créations, sa direction évoque celle de Peau de vache. L’outrance d’Emeline Bayart gomme, ici, la dicton particulière de Régis Laspalès, comme celle d’Anne Bouvier atténuait le ton de Chantal Ladesou. Ses caprices à répétitions se révèlent hilarants. La comédienne incarne Renée, une fille a papa impulsive qui ne supporte pas que ses interlocuteurs ne se plient pas à ses quatre volontés. Si Blain (Roland Menou), le comptable, et Mercandieu (Georges Bécot), son père, lui cèdent de bon gré, Marcel résiste et s’attire son courroux. Le costume de cet employé naïf sied à la perfection à Régis Laspalès, tout émoustillé par l’affriolante Loulou (Julie Depardieu). Les spectateurs suivent la virée de ce « cave » dans le milieu, avec un fameux guide : Jo (Michel Fau), voyou bonne pâte pas téméraire. La Grande Marie (Audrey Langle) s’inquiète pour son jules P’tit Louis (Antoine Kahan), un élégant truand flanqué d’un simplet acolyte Féfé (Yannis Ezziadi). Ce beau monde se retrouve dans le café tenu par le grognon Fernand (Fabrice Cals). La belle facture de la distribution et de la mise en scène comble la longue attente jusqu’à l’élaboration du casse.

Fric-Frac est une comédie distrayante portée par un sympathique quatuor.

Fric-Frac au théâtre de Paris (9e).
Du 11 septembre 2018 au 4 janvier 2019.
Du mardi au samedi à 20h45 et les dimanches à 15h30.

Peau de vache : boulevard et nostalgie

© E.C.

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Les trois coups si rarement frappés précédent la représentation de Peau de vache au théâtre Antoine. Ils annoncent cette comédie de Barillet et Grédy et une soirée dans l’esprit d’Au théâtre ce soir. Marion surnommée « Peau de vache » régit la vie d’Alexis, son maestro de mari depuis des années. L’arrivée de Pauline, une jeune journaliste, chamboule l’harmonie du couple et de leur demeure nichée au cœur de la campagne. Michel Fau choisit de situer l’action en 1975, date de création de la pièce, dans une atmosphère kitchissime, plus seventies encore qu’à l’époque. Entre deux scènes, lorsque le rideau s’abaisse, outre les informations temporelles, des motifs psychédéliques l’envahissent au rythme des chansons de Nana Mouskouri, Sheila ou encore Dalida.

« Un’ jolie fleur dans une peau d’vache / Un’ jolie vach’ déguisée en fleur », chantait Georges Brassens. Bernard Fau mise sur une ambiance flower power pour sa scénographie. Il n’a pas lésiné sur la verdure avec un décor surchargé où des éléments coulissent et s’ajoutent, sans cesse, de part et d’autre.

« T’as quinze centimes, vas t’acheter un pain de chocolat », s’avère la seule réplique accueillie par une manifestation franche de l’assemblée. Il fallait une distribution de choix pour compenser la faiblesse d’un texte qui, bien que rajeunit, ne provoque que quelques rires diffus. L’inimitable Chantal Ladesou sert une Marion à son image. Anne Bouvier compose une Pauline outrancière. Entre ces deux furies, Gregoire Bonnet interprète le lâche époux et ravit dans un registre plus sobre. Peu gâté par les costumes de David Belugou, il fait sien le proverbe « le ridicule ne tue pas », entre un pantalon rayé aux couleurs criardes et un ensemble imprimé façon tapisserie. La pièce s’enlise dans les exagérations à tous les niveaux. Les apparitions de Maxime Lombard, en voisin acariâtre et de Roland Menou, en vétérinaire porté sur la bouteille, donnent un peu de souffle. Face à une intrigue qui manque de panache, cette mise en scène en offre malheureusement trop. La présentation de la troupe à l’issue de la représentation laisse les spectateurs sur une note positive, même si les décors n’étaient pas de Roger Harth, ni les costumes de Donald Cardwell.

Peau de vache est une comédie surannée ornée d’excessifs artifices.

Peau de vache au théâtre Antoine (10e).
Du 8 septembre au 31 décembre 2016.
Du mardi au samedi à 21h et les samedis et dimanches à 16h.