Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres… composent la troupe de Molière en 1663. L’effervescence règne à l’issue de la représentation de L’école des femmes. Les plus studieux peinent à contenir leurs camarades pour organiser l’assemblée générale. La dernière création fait recette autant que querelle. Suivront La critique de l’école des femmes, puis L’impromptu de Versailles. A l’occasion du 400ème anniversaire du « patron », Julie Deliquet scrute sa troupe au fil de ces trois productions. Elle cosigne avec Julie André et Agathe Peyrard une théâtre-réalité où s’entremêlent l’intendance de la maison à celle de la troupe, des liens amicaux à amoureux, des jeux d’enfants à ceux de scène, et des faits historiques. Pour sa troisième immersion au Français, la metteuse en scène glisse les comédiens dans les costumes, joliment conçus par Julie Scobeltzine, de leurs homologues du XVIIème siècle.
Elle scénographie avec Éric Ruf la pittoresque demeure de cette communauté qui partage tantôt un toit, tantôt les planches. Les décisions se prennent autour d’une vaste table en bois, à la lueur des bougies des lustres et des chandeliers. De virulentes disputes éclatent lors d’échanges d’idées et supplantent les instructions d’ordre domestique sur le lavage du linge. Une répétition à l’improviste avant une création devant le roi éclipse la fête de la Saint Jean. Dans une joyeuse pagaille, le public assiste à une tranche de vie de la maisonnée. Aux premières loges de la créativité collective, deux enfants grandissent dans cette auberge espagnole : Angélique (Paula Achache, Amalia Culiersi ou Louisa Jedwab), la fille de Du Croisy, et Jeannot (Marceau Adam Conan, Viggo Ferreira-Redier ou Raphaël Sebah), le fils de Mlle de Brie.
Impeccable Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, Clément Bresson campe le chef de troupe. Florence Viala brille en Madeleine Béjart dite Mlle Béjart, expérimentée et affairée à plusieurs tâches. Fougueuse, Adeline d’Hermy incarne Armande Béjart dite Mlle Molière, fraîchement mariée qui s’apprête à faire ses débuts sous la réprobation maternelle. Simul et singulis chevillés aux corps, Pauline Clément, Sébastien Pouderoux et Serge Bagdassarian séduisent en Catherine Leclerc du Rosé dite Mlle De Brie, Charles Varlet dit La Grange, et Philibert Gassot dit Du Croisy. Ces quatre derniers furent les premiers sociétaires de la Comédie-Française en 1680. Guillaume Marcoureau dit Brécourt, 25 ans, ne fit, lui, qu’un furtif passage dans la troupe puisqu’il l’a quittera l’année suivante. Hervé Pierre campe cette nouvelle recrue tempétueuse. Sous les traits de Marquise-Thérèse de Gorla dite Mlle Du Parc, Elsa Lepoivre peste de ne pas faire partie de la distribution de L’école des femmes, avant de rechigner à jouer encore une façonnière. Souvent dissipés, parfois badins ou emportés, sociétaires et pensionnaires raniment cette petite démocratie. Dans une atmosphère brouillonne, le collectif désacralise Molière au profit de sa troupe.
Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres… est un charmant voyage dans le temps.
Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres… à la Comédie-Française (1er).
Du 17 juin au 25 juillet 2022.