Huis clos : un trio d’enfer

Garcin franchit le premier la porte de l’enfer imaginé par Jean-Paul Sartre dans Huis clos, sur la scène du théâtre de l’Atelier. Il interroge le garçon d’étage, cherche les flammes et les instruments de torture. Pas de brasier, sa propre culpabilité et le regard omniprésent de deux inconnues colocataires éternelles, le consumeront. Le cerbère déménageur soulève les bâches recouvrant les éléments de décor. Trois canapés en cuir aubergine, bleu et rouge, pour autant d’occupants : Joseph Garcin, journaliste, Inès Serrano, employée des postes, et Estelle Rigault, mondaine. De la cause de leur mort à sa date, en passant par leurs histoires personnelles, ces trois là n’ont rien en commun sinon une mauvaise conduite dans le monde des vivants. Le premier a martyrisé son épouse à coup d’infidélités, la seconde a provoqué le suicide du mari de sa maîtresse alors que la dernière a commis un infanticide. Coupables de lâcheté, de méchanceté ou d’égoïsme, ils seront tour à tour bourreau ou sur l’échafaud, confrontés à leurs vécus face aux deux autres. Ces âmes damnées se justifient ou dédramatisent leurs fautes, questionnant le rapport à autrui et la morale de chacun.

La scénographie et les costumes figent cet enfer dans un passé proche ou une ambiance vintage. Jean-Louis Benoit signe une mise en scène classique du célèbre texte dont s’extrait « l’enfer c’est les autres. » Maxime d’Aboville compose, en alternance avec Guillaume Marquet, le charmant Garcin, déserteur dissimulant son agressivité. Assurée et lucide sur leur sort, Inès, invertie pécheresse, comprend rapidement les rouages du châtiment. En jouant avec cruauté, Marianne Basler rivalise avec le premier pour s’allier à Estelle. Insouciante et superficielle, Mathilde Charbonneaux campe cette bourgeoise en quête de convoitise. Antony Cochin ou Brock rejoignent ce trio infernal, en garçon d’étage. Créée en 1944, l’intrigue conserve des résonances actuelles, à l’époque des réseaux sociaux.

Huis clos est une lecture authentique de la pièce créée sous l’occupation.

Huis clos au théâtre de l’Atelier (18e).
Depuis le 2 février 2022.
Du mardi au samedi à 19h.

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