Sacha contre Guitry (tout contre) : des filiations tumultueuses

« Je suis contre, tout contre », disait Sacha Guitry à propos des femmes. Ce sont pourtant les relations entre l’auteur, souvent qualifié de misogyne, et son père que Sacha contre Guitry (tout contre) décortique sur les planches du théâtre Michel. Alexandre vivote et cherche désespérément un peu d’attention de la part de son père, un important homme politique. Lorsque son ami lui offre un ouvrage traitant des mésententes entre Sacha Guitry et son père Lucien, ces derniers lui apparaissent. Ils jouent, pages après pages, les scènes du livre.

Dans un décor sommaire immaculé, les couleurs vives des costumes rehaussent les vivants, à l’instar d’Alexandre et sa femme, en bleu électrique, tandis que les fantômes et personnages de littérature se fondent en blanc. Sacha Danino met en parallèle le destin d’un quadragénaire contemporain et celui du dramaturge décédé, dans un texte inégal. Il varie les styles et l’humour. Le passé captive plus que le présent, d’un réalisme cynique, dans la mise en scène poétique de Ned Grujic.

Thomas Marceul convainc en paumé prénommé Alexandre dont le diminutif est Sacha. Dominique Bastien égaille l’existence de ce dernier en ami ou sous les traits de Lucien Guitry. Alexandre Guilbaud s’impose savoureusement en personnage controversé. Enfin, Juliette Galoisy campe tour à tour l’épouse d’Alexandre, Yvonne Printemps, Sarah Bernhardt et la recruteuse de la mairie de Vincennes. Malgré des références à la vie et aux œuvres de Guitry, les déboires d’Alexandre ternissent l’ode à Sacha.

Sacha contre Guitry (tout contre) est l’esquisse d’un joli conte abîmé par son lecteur.

Sacha contre Guitry (tout contre) au théâtre Michel (8e).
Depuis le 12 octobre 2023.
Du jeudi au samedi à 19h et le dimanche à 18h.

Oui ! : un mariage, pour le meilleur et pour le rire

© E.C.

Stéphane et Valerie s’apprêtent à sceller leurs huit années d’amour en convolant en justes noces. Il ne leur reste que huit mois avant d’échanger leurs Oui ! et rien n’est encore prêt au Café de la Gare. Christiane, la mère de la future mariée, lui souffle le nom d’un wedding planner. Leur premier rendez-vous, fixé deux mois plus tard pour débuter les préparatifs s’avère déstabilisant. Walter ne s’occupe que des mariages entre deux hommes. Grisé par le challenge, il décide de sauter le pas. Lorsque un homosexuel parisiano-parisien organise les noces d’un couple un peu beauf domicilié de l’autre côté du périph, cela donne lieu à de nombreuses situations cocasses. Deux univers se croisent et chacun prend au pied de la lettre les tentatives de traits d’humour de l’autre. Les mois défilent dans le salon des tourtereaux. Au fil des rencontres, chacun brise ses oeillères et le trio s’amadoue peu à peu. A l’approche du plus beau jour de leurs vies, la tension monte entre les fiancés puis converge vers Walter.

Alexandre Guilbaud et Morgane Bontemps forment un couple charmant. Lui, en macho au cœur tendre et survêtement ; elle, en femme autoritaire avec son homme qui laisse échapper quelques réflexions un brin nunuche. Fabrice Fara réjouit en coach snob au style relativement extravagant surtout mis face au classicisme du couple dont il s’occupe. Pascal Rocher joue avec subtilité des stéréotypes et caricature avec légèreté les protagonistes d’une intrigue dont le thème a le vent en poupe en ce moment. Rodolphe Sand et Nicolas Soulie dirigent le trio déjanté dans des scènes entrecoupées par la projection de photos de mariages, plus ou moins excentriques, d’anonymes et de célébrités dont celle de la fameuse fausse union de Coluche et Thierry Le Luron.

Oui ! est une comédie divertissante qui met en scène trois attachants personnages.

Oui ! au Café de la Gare (4e).
Du mercredi au samedi à 19h30 et les dimanches à 18h.

Coup de théâtre(s) : un périple à travers les grands classiques

© E.C.

Après l’Iliade et l’Odyssée, Ulysse vit une nouvelle épopée sur les planches du théâtre de la Gaîté Montparnasse. Coup de théâtre(s) balaie plusieurs siècles d’oeuvres, des tragédies grecques aux comédies musicales de Broadway. Ulysse reprend du service, les dieux lui ordonnent de rapporter la quenouille volée à Ithaque. Au cours de sa quête, le vainqueur des Troyens croise des personnages shakespeariens, tchékhoviens ou Cyrano de Bergerac, en proie à un dilemme cornélien.

Chaque personnage s’exprime dans son langage, celui de son auteur. Le décor rudimentaire et les costumes rattachés à chaque dramaturge permettent de rapidement changer d’atmosphère.

Si le début de la pièce est quelque peu déroutant, le public rit ensuite de bon cœur face aux mésaventures des protagonistes. Sébastien Azzopardi et Sacha Danino signent une comédie atemporelle, dans laquelle plusieurs époques se côtoient. Le décalage qui en résulte dans les dialogues s’avère désopilant. Coup de théâtre(s) n’est pas pour autant une comédie légère, puisque certains peuvent y voir une ode à l’histoire du théâtre et à cet art lui-même. A travers les parodies de Feydeau ou de Beckett, il est question de l’écriture d’une pièce, des raisons de son succès et de sa représentation sur scène. Shakespeare aurait-il eu la même renommée si ses œuvres ne connaissaient pas des fins tragiques ?

Les célèbres répliques fusent dans une mise en scène burlesque de Sébastien Azzopardi. Les comédiens s’en donnent à cœur joie. Alexandre Guilbaud campe un Ulysse sur le retour, qui n’a d’héroïque que son passé et ses tirades. Ses six partenaires changent de rôles au fil du périple, aussi justes dans leur jeu que dans le chant.

Sébastien Azzopardi et Sacha Danino revisitent, avec brio, les grands classiques du théâtre, avec Coup de théâtre(s), une plaisante comédie pleine de jeux de mots et de références théâtrales.

Coup de théâtre(s) au théâtre de la Gaîté Montparnasse (14e).
Du 5 juin au 28 septembre 2014.
Du mardi au samedi à 21h , les samedis à 17h (jusqu’au 16 août), puis à 16h30 (à partir du 23 août).